Je ne sais pas vraiment comment les gens peuvent me voir ou me percevoir. Je pense que je dois être assez désagréable ou superficielle à première vue. En fait, il faudrait que je sois dans un état tranquille pour mes premières rencontres, ça irait de suite mieux. Dans la vie, je suis complètement débrouillarde. Je me suis détachée de ma famille et de mes obligations (enfin, pour une partie) et je sais ce que je veux. Ou du moins, ce que je ne veux pas. Donc j’avance sans regret et je suis heureuse ainsi. Je suis très têtue et quand je n’obtiens pas ce que je veux, je vais m’y accrocher fortement. Certains diront de ce fait que je suis prétentieuse. Que je veux tout et tout de suite. Ça n’est pas vraiment ça dans le fond, mais allez l’expliquer à ces gens-là. Je n’ai pas un mauvais fond. Généralement, je passe mon temps à plaisanter. Je préfère prendre les choses à la légère plutôt que de me prendre la tête inutilement. De là à dire que je vis au jour le jour, je ne pense pas. Disons simplement que je ne m’encombre pas outre mesure et que je suis optimiste. Je dois tout de même avouer que je peux m'énerver assez facilement et rapidement. Je suis assez capricieuse, de ce fait. Bon, j'ai mes bons côtés, ce qui m'empêche d'être invivable. Je suis juste... spéciale.

J’aurais pu tomber sur une vie pire que la mienne. Mais bon, qui ne voit pas les mauvais côtés de sa vie ? Je ne devrais pas me plaindre. J’appartiens à la famille Myden-Autt, autrement dit l’une des trois familles qui règnent sur le peuple elfique. On me dira donc « de quoi se plaint-elle, elle fait partie de la royauté ? ». Et je peux très bien le comprendre. Simplement moi, je n’ai rien demandé, et cette royauté m’importe peu. Pour tout vous dire, je suis une des nièces du cœur de la famille, et j’ai autant de responsabilités que leurs propres enfants. Les mondanités, les cérémonies qui n’en finissent plus, les réunions, les images à devoir tenir, très peu pour moi. Evidemment, j’ai dû grandir en me pliant aux exigences de ma famille, et je n’étais de toute façon pas assez lucide de ce point de vue-là lorsque j’étais enfant pour m’en détacher. Même si ça me gonflait déjà royalement.

On m’affubla donc du prénom d’Estrella, ce qui signifie étoile, en espagnol. Je dois dire que je l’aime particulièrement. Parce qu’au milieu de cette masse d’Efles et surtout de royauté, j’avais mon petit quelque chose à moi, ma petite étoile. Mon père voulant m’appeler Caitlyn, j’ai donc hérité de deux prénoms, qui me conviennent tout à fait. Quand à mon nom, au milieu des humains il était bien évidemment impossible de porter Myden-Autt. Nous avons donc opté pour Butler, et je dois dire que je n’en suis pas mécontente. Moins je pavane mon nom, mieux je me porte.

Je suis devenue télékinésiste à douze ans. Je sais, ce n’est pas excessivement tôt, mais pour une telle capacité, croyez-moi quand je vous dis que ce fut précoce. Je ne vous explique pas l’impact que ça eut sur ma famille. Ils étaient si fiers que je trouvais ça ridicule. Une télékinésitste parmi leurs rangs, quel honneur ! Le pire – ou le mieux, selon le point de vue – est que j’ai rapidement réussi à maîtriser cette capacité. Alors voilà, je déplace les objets grâce à la seule volonté de ma pensée. La différence avec la plupart des télékinesistes, c’est que je ne fais pas voltiger les objets dans les airs, mais je les téléporte d’un endroit à un autre. De quoi mettre encore plus d’étoiles dans les yeux de mes parents, sans mauvais jeu de mot.

Dans la même lignée, je suis douée en cours. Je l’ai toujours été, et je ne m’en vente pas, au contraire. C’est dur de trouver quelque chose qu’on aime quand on s’ennuie, croyez-moi. C’est aussi pour ça que j’ai rapidement assimilé mon don. Ce n’est pas une fierté. D’ailleurs, je ne bossais que ce qui m’arrangeait, que ce qui m’intéressait, qui avait un tant soit peu d’intérêt. Le reste, c’était juste du bonus et je ne faisais même pas exprès de m’en sortir. J’ai donc été diplômée haut la main et suis allée à l’université, sur le campus de Belfast. J’y ai d’abord fait une année de civilisations étrangères, spécialisée dans l’espagnol et le japonais, ce qui ne m’a pas plu. J’ai donc enchainé sur deux années de sciences, sans penser que finalement, la spécialisation médecine ne me plairait pas non plus. J’ai donc continué sur une spécialisation physique, biologie, chimie, pendant deux nouvelles années, sans apprécier. Du moins, je ne me voyais pas en faire mon métier. Chercheuse ? Bof.

Alors j’ai fini par trouver. Vu mon âge, il était temps. Je me suis prise d’affection pour les planètes, l’astronomie et tout ce qui s’en suit. J’ai donc entamé des études de planétologie, et suis en parallèle un cursus de philosophie, ce qui m’a toujours plus ou moins plu. A la base, je ne vous cache pas que c’était pour continuer de m’éloigner de ma famille. Pour tout vous dire, avec le temps, je me suis peu à peu éloignée de mes obligations. Bien sûr, je continue de me présenter aux événements importants et autres festivités de ce genre, mais officieusement, je suis vagabonde, ni plus ni moins. Prêter allégeance ? Sachant que je n’ai pas les mêmes convictions que la famille, je n’en vois pas l’intérêt. Des Humains ? Et alors ? Ils n'ont pas encore tenté de détruire nos forêts, que je sache. J’ai dû me prêter au jeu à cause de mon rang, mais je n’attends que le jour où je pourrais enfin me détacher réellement de tout ceci.

C’est donc pour cette raison que je me suis mise à vagabonder sur le campus, à la recherche d’études, et que je suis finalement tombée sur la planétologie. Travailler pour quelque chose qui me plaît est enfin appréciable. Surtout que je ne suis pas mécontente d’être tombée sur un professeur… plutôt charmant. C’est un Elfe, qui plus est. Je suis l’un de ses cours, qui se trouve être la symbolique, une des options possibles en philosophie. Lorsque j’ai appris qu’il était aussi professeur pour les Elfes, et la maîtrise de leur capacité, j’ai relativement sauté sur l’occasion de le voir plus souvent. Alors que, bien évidemment, je n’ai nullement besoin de ce cours. Attention, n’allez pas vous imaginer que je fantasme sur un vieux professeur de qui je dois soutirer des bonnes notes et appréciations. Non, il n’a que deux ans de plus que moi - je suis quand même une vieille élève. Mais il me fuit…