Là où certains verront une fille timide qui ne parle jamais aux autres, d’autres verront une amie fiable et loyale. Eiriol est un peu des deux à la fois. Elle ne parle pas aux gens, mais elle n’est pas contre un peu de compagnie. C’est tout simplement parce que sa timidité l’empêche de parler aux autres : elle ne fera jamais le premier pas vers pour parler à une autre personne. Elle attendra toujours que quelqu’un vienne lui parler la première. Pourtant, une fois la première étape passée, c’est une fille incroyablement sympathique, qui n’hésite pas à discuter et même raconter sa vie si le cœur lui en dit (bien qu’elle soit plus le genre de fille à écouter les autres qu’à trop en dire).

La jeune femme ne supporte pas la trahison. Elle a toujours été capable de tout pour les gens qu’elle aime, résultat, elle s’implique énormément dans toutes ses relations, qu’elles soient amicales ou amoureuses. Et ça finit toujours par lui briser le cœur. Surtout qu’étant très rancunière, elle a beaucoup de mal à pardonner aux autres. Un jour peut-être y arrivera-t-elle, mais pas pour le moment. Pour sûr, elle est capable de déclarer la guerre à n’importe qui si c’est pour quelqu’un qui lui est cher.

Eiriol a une excellente mémoire. Elle retient tout ce qu’elle lit, entend ou voit. Elle ne relèvera pas forcément le petit détail, mais peu importe pour elle, détails ou non, elle essaie toujours d’en retenir le plus possible. De un, parce que ça agrandit sa culture, et de deux, parce qu’elle écrit tout ce qui lui arrive dans un journal. En fait, pour tout vous dire, elle n’a jamais vraiment aimé écrire dans son journal. Mais sa mère lui a conseillé de le faire, il y a quelques années « pour ne jamais rien oublier, quoiqu’il arrive », et c’est uniquement pour cette raison qu’elle le fait.

Ce sont les souvenirs qui forgent notre vie, notre histoire. Mais que devient-on lorsque notre mémoire est altérée ? Que devient-on lorsqu’on oublie une partie de nos souvenirs ? Sommes-nous toujours la même personne qu’avant ? Il y a une chose dont je suis sûre : Aedan a changé. Et toute cette histoire, c’est arrivé à cause de son père, et de son allégeance pour la famille Bate-Mevire. Vous vous demandez sûrement de quoi je parle. Alors laissez-moi reprendre cette histoire depuis le début pour vous expliquer.

Mon arrière-arrière-grand-père était un elfe. Il avait prêté allégeance à la famille royale Kith-Baneld, à savoir la famille Elfique qui était pour une cohabitation avec les humains, et même leur dévoiler leur secret, mais en douceur. C’est pour ça qu’il a pu se marier avec une humaine, et avoir des enfants. Ce qui signifie d’ailleurs que sa descendance a du sang elfique qui coule dans ses veines. Et étant en ligne directe dans l’arbre généalogique, j’ai le grand plaisir de vous dire que j’ai moi aussi du sang elfique, et du coup, je suis capable de discerner les elfes des humains. En tout cas, dans ma famille, on a toujours entendu parler d’elfes. Mes parents m’ont raconté tout ce qu’ils savaient des elfes, et je le raconterai moi aussi à mes enfants plus tard. Enfin, quoiqu’il arrive, les elfes font un peu partie de la famille. Chez nous, on a toujours gardé leur secret, mais nous n’avons jamais été belliqueux avec eux. Quoiqu’il en soit, les elfes ont toujours été les bienvenus à la maison.

Moi dans tout ça ? J’ai toujours été une gamine comme une autre, quoique peut-être plus calme que la normale. J’avais de bons résultats à l’école, et je n’ai jamais attiré les ennuis. Je me calais souvent seule dans un coin, avec un livre. J’adore les livres, en particulier les fantastiques, ceux qui parlent de magie, et pourquoi pas d’elfes. Mais malgré tout ce que j’ai toujours lu dans les livres, les elfes qu’on côtoie sont bien différents. Je l’ai appris il y a deux ans, lorsque j’ai rencontré Aedan.

On s’est rencontrés à la bibliothèque du campus. Il était en train de chercher un livre dans une allée, et moi, je venais de trouver celui qui m’intéressait. Prise dans la lecture des premières pages de mon livre, je n’ai pas vraiment fait attention aux personnes qui pouvaient être devant moi… D’habitude, j’arrive à les éviter, mais lui… Je n’ai pas pu. C’est en relevant la tête vers lui, après avoir chuté et ramassé mon livre, que j’ai vu l’aura autour de lui. J’ai vite senti qu’il n’était pas humain. J’ai vite compris qu’il était un elfe. On a bafouillé quelques excuses, pendant quelques minutes, prenant le temps de savoir si l’autre allait bien, et puis, j’ai fini par quitter l’allée.

J’ai souvent espéré le revoir. J’avais envie d’en apprendre plus sur les elfes que ces simples histoires que me racontait ma famille. Pourquoi lui et pas un autre ? Parce que j’étais incapable de parler à quelqu’un de moi-même. Et lui, je lui avais déjà parlé lors de ce petit incident. Alors j’ai espéré, j’ai croisé les doigts. Je voulais simplement le connaitre un peu mieux. On s’est croisés plusieurs fois, sans jamais se dire un mot. Quelques sourires échangés, puis quelques regards et enfin les premiers mots. Une approche timide qui a certainement dû apporter beaucoup à notre relation… La plupart du temps, on se voyait à la bibliothèque. Il a vite remarqué que j’avais la capacité de distinguer les elfes des humains, et m’a demandé si j’avais du sang elfique. J’ai joué la carte de l’honnêteté, et j’ai dit oui. De là, on a partagé tout ce qu’on savait à propos des elfes. Et j’ai appris beaucoup de choses en sa compagnie.

Bien sûr, peu de personnes étaient au courant de nos rendez-vous, et je savais garder le secret. La raison ? Elle s’appelait papa. Son père était un elfe qui n’aimait pas les humains. Alors on faisait attention. Je sais aussi que sa meilleure amie, Melian, n’était pas pour toute cette histoire, mais elle l’a toujours couvert, par amitié. Elle ne m’aimait pas et faisait tout pour qu’il arrête de me voir tout de même. Au final, pendant deux ans, nous avons simplement été des amis, deux personnes qui se voyaient en cachette pour discuter du monde elfique.

Et puis un jour, tout a changé. Tout a changé, parce qu’au fil du temps, on s’est rapprochés, et on a fini par se mettre en couple, comme si c’était une évidence. Mais là où ma famille voyait une bonne chose, la sienne n’aurait pas approuvé. Là encore, on s’est vus en cachette. Sa meilleure amie était elle aussi au courant. De nouveau, elle nous couvrait, mais on savait bien qu’elle ne garderait pas le secret bien longtemps. Notre histoire a duré un mois avant que son père ne l’apprenne. C’en fut fini de nous, d’Aedan… Et même de moi. Je ne savais pas que son père était un Effaceur. Il a altéré ma mémoire, et celle d’Aedan. Pendant un peu plus d’un mois, j’ai cru qu’on se détestait. Puis Melian est venue me voir. Elle m’a parlé de lui, me disant qu’il était bien mieux avant, quand je faisais partie de sa vie, même si ça lui faisait du mal de l’admettre. Je ne l’ai pas crue. Elle a insisté, me demandant si je n’avais pas un journal ou quelque chose qui pourrait me faire souvenir. Je n’y ai toujours pas cru. Pourtant, le soir, en rentrant chez moi, j’ai ouvert mon journal, et j’ai lu tout ce qui m’était arrivé depuis deux ans, comme elle m’avait dit de le faire. J’ai compris qu’elle avait raison. J’ai adulé ma mère qui m’avait offert mon premier journal. Je n’avais jamais cessé d’écrire depuis, et aujourd’hui, ça s’avérait utile. Il y a cependant une chose. Je ne me souviens toujours pas avoir vécu toutes ces choses. Mais je sais que je ne les ai pas écrites par hasard, elles ont forcément dû se dérouler telles qu’elles sont écrites.

Alors, je vais me battre pour retrouver ces souvenirs. Je vais me battre pour retrouver Aedan. Je défierai son père quoiqu’il en coûte. Mais je sais que je ne serai pas seule dans cette bataille. Melian sera à mes côtés, et malgré tous les différends qui peuvent nous opposer, nous avons un but commun : retrouver le vrai Aedan. Et nous sommes prêtes à tout pour ça.